samedi 7 avril 2012

Les plumes de l'année 15

Ca fait bien longtemps que je n'ai pas participé à un atelier d'écriture, mais pour une fois j'avais un peu de temps.

Et j'avais envie de faire ce plaisir à Asphodèle !

Il fallait placer les mots suivant : or – opale -orange – osmose – ode – obligation – offense – oh – ordinaire – orage – opportunité – ouvert(e) – onirique – obsession – ombrelle – obéissance – oubli – octave – orgue(s) – océan – orme – orchidée.


J'ai voulu faire un hommage à certaines nouvelles fantastiques, à des histoires de fantômes, des choses un peu surannées, mais que j'aime à lire.

Je me suis plutôt amusée, c'est l'essentiel !




Sur la promenade qui borde l’océan, dans cette petite station balnéaire plongée dans l’oubli, on peut apercevoir une femme assise sur un vieux banc de pierre rongé par le vent salé. Du moins, c’est ce qui se raconte, et c’est ce que certains rêveurs, perdus dans d’oniriques songes, ont pu apercevoir. Je n’avais jamais cru à cette légende, jusqu’à ce soir de printemps, où j’avais tenté de noyer par l’alcool l’offense faite par celle que j’aimais, ce crime terrible qu’elle avait perpétré de me préférer un ordinaire bureaucrate, et par-dessus le marché, de se fiancer avec lui. Penser que Louise, délicate et raffinée comme une orchidée se fasse souiller par ce garçon rougeaud, avec qui la vie ne serait qu’obéissance et obligations, que désillusions et amertume...
Elle qui était la muse des poètes, qui aurait pu se faire couvrir d’or, d’opales et de pierreries, pour qui l’on écrivait de longues odes…
Mais comment avais-je pu croire que cette femme, oh, quelle femme, aurait pu devenir l’épouse d’un peintre ? Je n’étais pas désargenté, bien au contraire, et j’avais eu de belles opportunités qui m’avaient permis de devenir en vogue, mais je n’étais qu’un rejeton de bohème, un va nu pieds ayant réussi.
Un autre jour, j’aurais admiré l’orange du ciel qui tournait à l’orage, et j’aurais voulu peindre le vieil orme penché qui veillait sur une maison du bord de mer, admirant l’osmose entre nature et civilisation, mais ce soir-là, j’errais.
« Oh, Louise… » Murmurais-je. J’aurais dû me trouver à un concert d’orgue, où une de mes toiles allait être vendue pour une quelconque association caritative dont j’avais oublié le nom. Mais je n’avais pas envie d’affronter les mondanités. Je savais que quand j’approcherais les gens, leur voix baisserait d’un octave, et ils chuchoteraient que j’étais un homme meurtri, et que Louise m’avait rejeté. Ma plaie ouverte, béante, aurait dû laisser entrevoir un cœur blessé, mais je devais avoir l’air d’un homme tout à fait banal, marchant au hasard, comme un promeneur du dimanche.
J’allais me mettre à pleurer quand j’aperçus une silhouette, que dans mon obsession je pris pour Louise. Mais la femme à l’ombrelle, délicate et frêle, était une autre. Curieux, je m’approchais d’elle. Elle tourna la tête vers moi, et dans ses grands yeux, je lus la même détresse que la mienne. Je crois que je suis resté là des heures à la contempler, dans une transe que je ne contrôlais pas. Quand je repris mes esprits, elle avait disparu. Je la revis, de nombreuses fois, jusqu’à ce que mon cœur guérisse.
Maintenant je sais, qu’un fantôme erre bien sur la jetée, n’apparaissant qu’aux âmes perdues et solitaires…