mercredi 19 octobre 2011

Le feuilleton du mercredi 8


Bon vous aurez remarqué, je me suis enfin fendue d'un petit logo pour ce feuilleton du mercredi... Quelques mots en rapports avec mes deux zigotos. Bonne lecture !
 
Elizabeth.
19 septembre.
Voilà. Le procès a commencé. Je l’ai revue. Elle a changé. Vieilli. Dans le box des accusés, elle avait les traits d’une mater dolorosa, et se tenait très immobile. Sur son cou reposait un petit crucifix en or. Je le connais trop bien. Un cadeau de papa.
A côté de moi, du côté de la partie civile, mon parrain. Il a tenu mes mains serrées dans les siennes pendant toute la séance. Il ne parlait pas. Il est comme ça. Silencieux, contemplatif, semblant analyser les scènes et tout enregistrer. Que pense-t-il de la mort de son frère ? Nous n’en n’avons jamais parlé. Il est si différent de papa, qui lui, parlait comme un moulin, si bien que parfois, on pouvait quitter la pièce, le laisser monologuer et revenir dix minutes plus tard sans qu’il ait fini ce qu’il avait à dire. Comme s’il avait peur de ne pas vivre assez pour tout dire. Et finalement, c’était le cas.
J’ai vécu la journée dans un flou complet. Je me souviens d’avoir témoigné, après tout j’ai découvert le corps, et mes jambes se sont dérobées sous moi quand je suis retournée m’asseoir.
A la fin , quand l’audience fut suspendue, ma mère m’a appelée. Sa voix claire a prononcé mon prénom. Elle détache toujours autant les syllabes, doucement, comme si ce qu’elle prononçait était la plus belle chose au monde. Elle reste charismatique malgré tout. Ma grand-mère maternelle était avec elle, avec son éternel chapeau à voilette. Elle m’a regardée avec un air désolé. Nous ne nous parlons plus. Elle ne croit pas en la culpabilité de maman, malgré les preuves. Et pourtant…
Mon père avait de la peau sur ses ongles, la sienne. Et dans ses mains, une touffe de cheveux blonds. Les siens.  Ceux que je tressais quand j’étais enfant. A l’époque, elle était mon étoile lointaine. Je la vénérais. Tous mes copains en étaient amoureux.  Elle était plus femme que mère, et ne supportait pas que mon père m’aime autant. Elle trouvait qu’il la négligeait. Elle aurait aimé être la seule femme de sa vie. Je crois qu’elle ne voulait pas d’enfant.
Les policiers, à l’époque, ont dit que c’était un crime passionnel. Qu’il allait la quitter. Serait-il mort si je n’étais pas née ? Sans doute que non. Je sais que ce genre de question ne m’amène nulle part, et pourtant, elles m’assaillent sans arrêt. Je regrette ces moments où je soupirais, agacée que papa ne veuille pas me laisser lire en silence. Il avait tant à dire, et j’aurais aimé savoir l’écouter.

lundi 17 octobre 2011

Rendez vous avec un mot : rivière.

Cette semaine nous avions donc les pieds dans l'eau, ou les mains dans la joaillerie...
La semaine prochaine, nous serons en pleine PSYCHOSE. On verra bien ce que nous pourrons en tirer !

Mais place aux liens ! Allez faire un tour chez 32 Octobre, pour son texte, et celui de son amie, (publié à double emploi), chez Amélie, AymelineValentyne , Soène ,
et Asphodèle.
Et mon texte continue le polar Fantasy, petit à petit. Morgana n'a pas fini de se faire des cheveux blancs, je le crains. (les liens des premiers épisodes : 1 , 2, 3, 4, 5 )     



Mais le temps n’était pas aux rêveries. Son adjoint venait de toussoter, et le vieux savant la regardait avec une curiosité non feinte.
-        "  Je crois que vous étiez ailleurs, commissaire. Dit Estus de Quinte en remontant sur son nez des lorgnons étincelants qui lui donnaient des yeux de taupe. Je vous montrais les petites marques que notre jolie elfe a sur les chevilles et les jambes. Je pense que peu de temps avant sa mort, elle avait les pieds dans la rivière Mourante."
-         " Et que nous vaut cet acte de divination ?" Demanda Lorem dont l’air pincé la fit brièvement sourire. En tant que Mage, il devait trouver la science particulièrement louche.
-          "C’est élémentaire mon cher ! Elle a des marques rouges et distinctives qui sont sans aucun doute le signe d’une allergie à une algue qu’on ne trouve que dans cette rivière, et à endroit précis. Tout bon amateur de pêche, ou paysan vous le dira. Il y a certains endroits qu’il ne faut pas traverser. En outre, ses pieds sont meurtris comme si elle avait couru sur des pierres, et sa cheville droite présente une légère foulure. Je pense pouvoir dire qu’elle a fui quelqu’un."
Morgana s’adossa au mur, prenant un air détaché. Un ennui de plus. Cet endroit particulier de la rivière, les sorcières le connaissaient bien. Surtout les apprenties d’ailleurs. Les aînées adoraient envoyer les jeunes et fraiches recrues cueillir ces fameuses algues, qui une fois séchées servaient à la préparation de nombreux remèdes et crèmes, dont la fameuse potion antirides d’Eudora, qu’on se repassait sous le manteau un peu partout en ville. Evidemment les femmes qui l’utilisaient étaient bien loin de se douter que c’était une fille du diable qui leur permettait de garder une peau d’apparence si fraîche. Cela la faisait bien ricaner sa grand-mère, et du haut de sa relative jeunesse, la commissaire avait toujours trouvé ça particulièrement puéril.
Si l'elfe était une apprentie, alors il était normal qu’elle ne la connaisse pas. Il faudrait donc forcément parler à une aînée. Mais pas à Eudora. En même temps, si cette dernière apprenait que les choses se passaient derrière son dos, Morgana finirait à cueillir de l’algue, assise nue dans la rivière. Et ce n’était pas être alarmiste que de le penser. Les démangeaisons cruelles dont elle avait souffert sur tout le corps après avoir été trop insolente il y a une dizaine d’années venaient encore hanter ses cauchemars.
"-J’imagine que nous devrions aller faire trempette alors, Morgana, non ? Fit avec un sourire malicieux Lorem."
Et voilà que son adjoint se mettait à essayer de faire de l’humour. Non, décidément, rien n’allait plus.

samedi 15 octobre 2011

Les plumes épistolaires

Aujourd'hui commence l'aventure organisée par Asphodèle et Aymeline, où nous devons écrire des lettres.

J'ai été un peu mauvaise élève sur ce coup là, et je ne sais pas trop dans quelle catégorie me ranger, mais j'avais envie de faire une lettre à un inconnu.

Pourquoi pas après tout? N'avez vous pas eu envie un jour d'avoir une relation épistolaire avec quelqu'un que vous ne connaissiez pas? Hé bien, l'auteur de la lettre l'a fait. Elle s'est jetée à l'eau.

Mais trêve de discours, voici la lettre. J'ai hâte de lire les vôtres.



                                                                              Très cher inconnu,

Ne jetez pas cette lettre avant de la lire, c’est la prière que je me permets de formuler dès le départ. Nous ne nous connaissons pas, et je vous écris. C’est peut-être un peu fou, un peu désespéré, et sans doute un peu bête.  Mais qui n’aime pas, dans sa boite aux lettres, recevoir autre choses que réclames et factures ?
Ces derniers temps, le besoin épistolaire s’est fait. J’aurais pu envoyer une bouteille à la mer, lâcher un ballon avec mes coordonnées ou je ne sais quoi d’autre, dans le but fou de rompre cette solitude qui me tue, mais le stylo plume et le papier furent choisis. Pourquoi vous alors ? J’ai choisi un prénom et un nom au hasard, et une ville, grande, éloignée de la mienne, pour être sûre que la tentation de se voir ne sera pas forte si le courant passe.  Je ne sais si vous êtes vieux, jeune, marié, avec ou sans enfants, étudiant, travailleur actif, chômeur ou retraité, mais nous avons bien le temps de faire connaissance non ?
Soyez en sûr, cette lettre n’est pas une blague. Répondez-y, ou pas, c’est à vous de faire ce choix.
En attendant, je peux me présenter, et parler un peu de moi, au cas où il vous viendrait l’envie de m’écrire.
Je me nomme Cassandre, prénom terrible s’il en est, donné par des parents qui n’avaient absolument aucune idée de qui était la première porteuse de ce nom, celle de la légende. Mes camarades de classe, ceux de prépa surtout, ne s’y sont pas trompés eux, et leur leitmotiv se changea bien vite en «  Ne joue pas les Cassandre ». Très fin.
Je suis aujourd’hui documentaliste dans un collège, métier prenant et décourageant s’il en est. Pourquoi ai-je fait ce métier ? Pour tenter d’inoculer le virus de la lecture. J’y arrive, parfois.  Mais les adolescents sont une cible bien difficile, et la tâche relève plus de l’impossible qu’autre chose. Je ne perds pas espoir cependant, et j’arrive parfois à mes fins. J’ai récemment fait lire toute la saga Harry Potter à un jeune garçon, qui revenait me voir tous les lundis, des étoiles dans les yeux, et avec qui je parlais pendant les longues minutes de la récréation, des délices de cet univers bien particulier. Un petit pas pour la littérature, un grand pas pour moi.
L’amour de la connaissance et des livres, voilà ce qui est le plus important à mes yeux. Si vous y êtes allergique, vous aurez du mal à comprendre, mais chacun ces centres d’intérêts n’est-ce pas ?
J’attendrais votre réponse, avec espoir. Dites moi qui vous êtes, ou non, parlez moi de ce que vous voulez, dans les limites de la raison bien sûr, posez des questions, râlez, voyez cela comme un exutoire si cela vous fait plaisir. Mais répondez !

                                                                       Amicalement, 
                                                                                                                           Cassandre.

mercredi 12 octobre 2011

Le feuilleton du mercredi 7

Revoilà notre Louis. Je m'y attache beaucoup à ce personnage.


12 septembre / Louis


Voilà. J’ai été voir ma mère. Et je vais mettre des semaines à m’en remettre. Après des années, j’aurais dû accepter le fait qu’elle ne sera jamais plus normale. Qu’elle est définitivement perturbée. Parfois, elle a ses bons jours, mais ce n’était pas le cas aujourd’hui. Non, c’était une de ces fois où ses manies sont décuplées. Elle a jeté le gâteau que j’avais apporté parce que les pâtissiers sont souvent des francs-maçons et qu’ils veulent l’assassiner. Je n’ai pas eu le droit de faire le thé, parce que je devais moi aussi vouloir sa mort. Après tout, je suis le fils du diable.
La revoir me rappelle à chaque fois les moments difficiles de mon enfance. Ses crises continuelles. Ses peurs irrationnelles. Quand elle me réveillait la nuit pour me chuchoter qu’on allait bientôt venir nous tuer et qu’il fallait partir. 
Évidemment, elle m’a parlé de mon père. Que ce n’est pas bien de ne pas lui donner des nouvelles. Qu’il va vouloir lui faire mal s’il apprend que je la vois elle, et pas lui. A chaque fois elle parle de lui. Toujours pour me dire que je devrais reprendre contact avec cet individu.
Il nous a laissé tomber. Pire, il a tout fait pour que la maladie de maman ne soit pas révélée, pour que la famille reste intacte, et que nous, ses enfants, nous subissions tout cela, alors que lui fuyait à droite et à gauche, pour son travail. S’il était là une fois par mois, nous nous estimions heureux. Plus tard, j’ai appris qu’il avait un appartement ailleurs, et qu’en réalité, son travail ne lui demandait pas tant de voyages. Mais c’est un lâche. Je ne comprends toujours pas pourquoi nous sommes nés. Moi, ma sœur et notre petit frère.  Mais je me suis occupé d’eux. J’ai toujours joué les paratonnerres. Trop peut-être. Si bien que parfois, je me demande si je m’en sortirais un jour. 
Quand je pense aux relations qu’ont mes amis avec leurs parents, simples, précieuses, la jalousie fait son apparition. Et quand ils se permettent de râler, j’ai envie de leur taper dessus. La plupart des gens m’agacent en réalité. Ils ne savent pas profiter de l’instant présent. De ce que la vie a à offrir. Ils tournent en rond comme des lions en cage, ne se rendant pas compte qu’ils ont le monde à leurs pieds.
Demain, j’irais voir Thibault. Le chercher à la sortie de son lycée. Il me manque. Mais je me console en me disant que mon frère a une vie stable, même si ce n’est pas en ma compagnie. C’est la seule chose que je reconnaisse à mon père. En épousant une autre femme, il a offert à son plus jeune fils une nouvelle mère. Si seulement il avait pu faire ça avant…

lundi 10 octobre 2011

Rendez vous avec un mot: danse

Alors, avez vous dansé cette semaine? Vos mots ont-ils fait des sarabandes ou des entrechats?

Allez donc voir les chorégraphies d' Amélie, Valentyne, 32 Octobre, mais aussi les amies qu'elle héberge aujourd'hui sur son blog : Christine et Kira  , il y a également Aymeline, Soène, et Asphodèle (je crois que nous avons un record de participation !)

Pour la semaine prochaine, roulements de tambours...

Ce sera : rivière !
Oui, bon, euh, je sais pas trop sur quoi je vais pouvoir partir, mais c'est comme ça, je ne choisis pas !

Pour en venir au texte de cette semaine, j'ai continué mon histoire de policier fantasy, et nous en apprenons un tout petit peu plus sur les "aînées" ou du moins, l'une d'entre elles. (et je suis contente je n'ai pas placé de dialogue cette fois, ouf.)
Place au texte :


Les aînées…
La dernière fois qu’elle avait subi leur présence, c’était lors du solstice d’été et des danses rituelles. Elle était l’une des seules à les éviter comme la peste, ne goûtant guère les mondanités, même celles qui lui permettaient de retrouver les siens. Le problème était toujours le même, en tant que petit fille de la chef de clan, de l’aînée suprême, de la plus vieille des leurs, et surtout, de la plus pénible, elle était le centre de l’attention, et le moindre faux pas lui valait ensuite un harcèlement terrible de la part de sa chère mamie.
Et il ne valait mieux pas contrarier Eudora, dont les colères étaient bien souvent à l’origine des maux qui accablaient la région. Les dernières grêles ? Un problème avec grand père. Les récentes inondations ? La voisine avait mieux réussi « le gâteau » qui faisait jusque lors sa réputation à elle.
Pourtant, au dernier solstice, Morgana avait dansé tant et plus, grâce à un léger sort de confiance que lui avait jeté sa cousine, la délicieuse Niniane, qui était bien connue pour offrir un autre genre de danse moyennant rétribution pécuniaire. Il était délicat pour le chef de la police de croiser de temps à autres, pour son travail, une fille avec qui elle avait grandi, qu’elle considérait comme une sœur, et qu’elle devait régulièrement mettre sous les barreaux pour indécence nocturne. Mais Niniane était un électron libre, de ceux qu’on ne met pas en cage et qui tournent follement quand ils le veulent.
Oui mais voilà, aborder la possibilité d’un tueur de sorcières serait bien plus délicat que de se trémousser aux sons des chants rituels, et elle allait devoir subir un interrogatoire en bonne et due forme. D’ici là à ce qu’Eudora ne décide de se mêler de l’enquête, et les carottes seraient cuites.
Et si jamais tout le monde venait à être au courant ?
C’est au pied de la potence qu’elles danseraient alors.

mercredi 5 octobre 2011

Le feuilleton du mercredi, 6.

Nous revoilà pour un mercredi de plus, avec cette semaine, le point de vue d'Elizabeth. Plus le temps passe, plus je m'attache aux personnages. Du moins aux deux héros. Leurs failles, leurs espoirs, leurs déceptions. Ils commencent à vraiment prendre forme, à exister de plus en plus. Trève de 3615 my life, place au texte.



10 septembre. Elizabeth.

Est-ce que ce sont mes excuses sous forme alimentaire qui ont transformé à ce point Louis ? Depuis quelques jours, il est aimable, même s’il reste d’une discrétion exemplaire, il parsème ça et là de petites attentions qui me vont droit au cœur. Chaque matin quand je me lève, le café est préparé et chaud. Je n’ai plus à sortir les poubelles, où à me soucier des feuilles qui tombent dans le jardin.  Il s’est arrangé pour faire une séance de dédicaces la semaine prochaine à la librairie. A côté de ça, il ne parle toujours pas. Il a toujours un air mélancolique plaqué sur son visage, comme s’il cachait quelque chose. Je croise parfois son regard, gris comme une mer déchaînée, et j’y lis les mêmes failles que les miennes. Qu’a-t-il vécu, lui ? Il n’est finalement pas sans âme, comme je l’avais cru au départ. Encore un reflet de ma pauvre capacité à juger les gens.  

En ce moment, je fais les choses de manière automatique. Comme un pantin sans âme. Je continue à fuir Hugo, et je me retiens de lui crier ses quatre vérités. Le voir ne pas abandonner, ne me flatte pas, et me fait souffrir. Voir son visage si exempt de souffrance me rappelle une époque où j’étais entièrement heureuse. J’étais tellement naïve alors. Je croyais à un futur sans nuages, et je n’avais peur de rien. Je donnerais n’importe quoi pour être de nouveau à cette époque. Tout était parfait alors. A-t-on un quota de bonheur ? Nous est-il retiré si on l’a utilisé trop vite ? Je ne me sens à ma place, désormais, que quand je lis. Alors, mon esprit est apaisé. Dans la bibliothèque de mon père, j’ai l’impression d’être reliée à lui, brièvement, et j’en oublie qu’il ne va pas s’asseoir en face de moi, en me demandant, souriant, si ce que je lis me plait. Me dire que plus jamais nous ne parlerons ensemble de nos héros de papier, me fend le cœur. J’ai beau me dire, depuis des années, qu’être triste ne le ramènera pas, que cela ne sert à rien, j’ai dans le cœur un écho qui répercute à l’infini son nom. Et dans l’obscurité de ma chambre, je la hais. Cette femme à qui je dois la naissance, mais à qui je dois aussi la mort de l’être que j’aimais le plus.

lundi 3 octobre 2011

Rendez vous avec un mot : Marque.

Nous voilà repartis pour un nouveau lundi, avec le mot marque.
Vous pouvez pour l'instant aller lire le texte de Valentyne, de 32 Octobre,  de Soène et d'Aymeline (Arieste). Et Amélie !

 Pour la semaine prochaine, le mot est : Danse. 
Laquelle? A vous de voir :)


J'ai repris cette semaine, l'histoire mêlant fantasy et policier, dont vous pouvez  lire les premiers épisodes ici, et par là.

Bonne lecture et bonne semaine à vous.



Hirsute, débraillé et les yeux fous de celui qui va faire une découverte, Estus De Quinte était le savant de la ville. Il croyait à la science dans un monde voué à la magie. N’eut été une fortune familiale colossale, il se serait sans doute retrouvé à croupir dans un sombre cachot quelque part, mais ses frères et beaux-frères occupant tous des places importantes ça et là dans la hiérarchie étatique, il s’en sortait toujours comme une fleur, sans rien faire pour cela.

Pourtant, pour une fois, il était pas l’accusé, mais bien celui qui allait servir à rendre la justice, et le cadavre qu’il aurait à ouvrir, le serait légalement.
Quand Morgana revint dans la pièce, après avoir chassé les deux lieutenants sous des prétextes fallacieux, Estus avait déjà commencé son observation méticuleuse. Il avait perdu le sourire quasi systématique qu’il arborait, et semblait pour une fois, calme et méthodique. Il lui fit signe de s’approcher et souleva les cheveux pâles de la jeune femme.
-          Aviez vous remarqué la boursouflure en forme de croissant de lune qu’elle a sur la nuque ? On dirait qu’elle a été comme marquée au fer chaud.
Morgana retint son souffle. Elle s’efforça de ne rien laisser paraître, et examina attentivement le symbole lunaire. Elle ne le connaissait que trop bien. Elle en avait un indique, sur la hanche. Plus dissimulable, plus aisément camouflable. C’était un signe d’appartenance.  Seulement, rares étaient ceux qui en connaissaient la signification, et ce n’était certainement pas elle qui trahirait le secret.
-          Un symbole de possession ? Murmura son adjoint. Appartenait-elle à un groupe secret ? Il faudra questionner ses proches à ce sujet. Cela peut être insignifiant, mais ça pourrait être aussi la clé de l’énigme.
Elle sentit sa hanche la brûler. Que privilégier ? La recherche de la vérité ? Le respect de son clan, de sa famille ? Si elle parlait, elle serait bannie, et risquerait de tout perdre, y compris sa vie. Mais si elle se taisait, cela pouvait être le premier meurtre d’une longue série. Son instinct le lui disait.
Ce soir, il fallait qu’elle parle aux aînées. Et ça ne risquait pas d’être une partie de plaisir.