Journal d'Elizabeth,
6 septembre,
Il a fait comme si de rien était quand je l’ai croisé tout à l’heure. Mais je remarque bien qu’il fait tout pour m’éviter. Et je comprends tout à fait. Il faut que je fasse quelque chose. Qu’il comprenne que les compteurs sont remis à zéro. Par quel moyen faire passer le message ? Je pourrais lui parler, mais je suis sûre qu’il le prendrait mal.
Des cookies. Ben oui forcément, des cookies. Un truc monstrueusement riche et bon, qui dirait « tiens regarde, j’suis un peu cruche, mais je fais bien la cuisine. » Il paraît qu’en goutant le plat de quelqu’un, on peut savoir qui il est. Sentir ses sentiments. Je n’ai pas envie de lui pourrir la vie, ni qu’il se sente obligé de partir parce que je suis un boulet. Espérons que l’opération ventre fonctionnera…
Hier, j’ai vu Etienne. Je ne sais pas si c’est d’avoir pensé au passé, et si la personne que j’ai été me rattrape, mais je me suis sentie vide face à lui. Il m’a encore parlé de vendre la librairie après le procès, et de recommencer ma vie ailleurs. De laisser l’horreur derrière moi, de renaître de mes cendres… Avec lui, bien sûr. Peut-être que pour une autre personne ce serait la bonne chose à faire, mais abandonner ma boutique, ce serait renier mon père. Même si c’est encore douloureux, même si ça le sera toujours, c’est le lien ténu qui me rattache à lui.
Que dirait-il de ce que je suis devenue ? Il me sermonnerait je crois.
Il faut que j’arrête de croire que je ne peux pas vivre seule. Sans amourettes. Je deviens une parodie de la pauvre fille qui a peur de se retrouver face à face avec elle même. J’ai des amis non ?
Je fais la bravache, j’essaie de me pousser dans mes retranchements, mais je me sens bien faible ces derniers temps. Je n’ai pas envie d’embêter les filles avec ça. Elles ont leur vie, et je ne veux pas la gâcher avec mes éternelles crises.
Le procès approche. J’oscille entre l’envie de lui faire face, de la regarder droit dans les yeux, de lui crier à la fois ma haine et mon amour, et l’envie de rester terrée ce jour-là dans mon lit, sous sédatifs, en attendant que ça passe. Pourquoi a-t-elle fait appel ? Les preuves sont irréfutables pourtant. Elle a tué son mari, elle a tué mon père, et même si elle ne m’a pas touchée, c’est comme si j’étais morte moi aussi ce jour-là. Comment accepter que ma mère ait fait ça ? Avant le premier procès, je croyais fermement qu’une fois l’affaire jugée, je serais soulagée. Quelle idée !
Et maintenant mes rêves sont peuplés d’elle, qui me tue.
Et en prime, Hugo m’envoie un bouquet de fleurs tous les jours. Du coup je les offre à mes meilleurs clients. Et j’essaie de faire passer ça pour une espèce de cadeau commercial. Tout plutôt que de les avoir devant moi. Je ne le hais pas assez pour les jeter.
Hou, quel lourd passé porte Elizabeth, un fardeau qu'une sentence n'effacera pas à mon avis ! Tuer la mère serait plus judicieux, comme l'a conseillé Mister Freud (enfin lui c'était tuer le père !). Très beau texte plein d'émotions et une écriture fluide qui ne s'interrompt pas... ;) Vivement la suite !
RépondreSupprimerUne histoire qui se complexifie, hâte de savoir la suite ! Bonne idée de recycler les bouquets de fleurs cela aurait dommage de les jeter ;)
RépondreSupprimerAsphodèle : Oui, je la voulais pleine d'un lourd bagage, la pauvre...
RépondreSupprimerAymeline : C'est mon côté ne gaspillons pas qui ressort ^^